Les partisans de Ravalomanana. Ivato |
Ce samedi 21 janvier, mon mari et moi ainsi que notre fils de 13 ans décidons d’aller nous balader du côté d’Ambohibao, où l’on nous avait conseillé un resto sympa avec piscine. On quitte la maison vers 10 heures, maillots de bain, crème solaire et bouquin bien rangé dans la malle arrière. On savait que Ravalomanana arrivait aujourd’hui mais on s’était dit que seul l’aéroport et les environs immédiats devaient être bloqués et en bon tananarivien que nous sommes – l’expérience des “rotaka” oblige, nous étions un peu blasés. Combien de fois depuis 3 ans avions nous été arrêtés dans des barrages ou manif quelconque et ou 1 km plus loin, c’est le calme plat.
11 h: embouteillage monstre à l’entrée d’Ambohibao. « Comme d’habitude » diront les habitués!
On continue et on commence à voir les bus bondés, les piétons avec leurs banderoles pliés sous le bras. On rigole quand un receveur avec la gouaille qui leur est propre harangue les clients en disant : aty daholo ny zanak’i Dada an!
Au départ de 67 ha parait-il le ticket est passé de 400 ariary à 1000 ariary! ah, la loi de l’offre et de la demande.
Finalement pris au jeu et par curiosité, on décide de continuer un peu. Et puis pour moi, historienne, passionnée de photos, l’occasion était belle.
C’est vrai que pour la plupart des gens l’image des « Zanak’i Dada», c’est plutôt ringard, un peu mémère. Genre bon enfant…
A partir de Talatamaty, l’affluence est de plus en plus grande: une foule joyeuse arborant casquettes, tee-shirts, drapeaux…
Arrivée au niveau du magasin de machine chinois ( Hong yuan machinery il me semble ), on est bloqué. La voiture ne peut plus passer. On fait demi-tour, on se gare et on décide de rester un peu.
Jamais, je n’ai vu une telle ambiance, un mélange de crainte, de joie et d’espoir! Les gens souriaient, s’interpellaient, s’encourageaient ! Beaucoup de jeunes, de femmes, des enfants. On entendait les gens murmurer entre eux : pensez-vous qu’ils vont l’autoriser à atterrir ? Si on est tous là, ils ne vont pas oser le tuer! Et parler plus fort en disant: on est heureux, contents…
Et la crainte omniprésente à la fois pour soi mais aussi et surtout pour Ravalomanana.
Le flot ininterrompu de gens aussi bien à pied qu’en voiture: on s’interpelle en communiquant les nouvelles: efa niala any hono izy e, amin’ny firy no mety ho tonga, aza matahotra fa nivoaka tamin’ny radio hoe tsy hisy fisamborana, antsoy ny ankizy any antrano …I « Bomba » hono consigné ao Ambohitsorohitra (c’est comme ça que j’ai appris que Bomba c’est Richard Ravalomanana) Tout le monde se relâche, on s’installe, on va acheter des petits drapeaux, des casquettes, de l’eau, des bananes …
Et voilà que l’on se met à rencontrer un ami, puis un autre, puis encore un autre. On s’installe dans un snack et on papote, on rigole, on boit un coup! Une vraie kermesse.
Et voilà que l’on se met à rencontrer un ami, puis un autre, puis encore un autre. On s’installe dans un snack et on papote, on rigole, on boit un coup! Une vraie kermesse.
Et puis on applaudit quand une délégation de Majunga ou Arivonimamo ou Ambalavao Tsienimparihy, arrivent.
Et je vois passer les ex- instituteurs de mes enfants, ma couturière, ma coiffeuse, mon copain journaliste retraité, des marchands des pavillons d’Analakely , des gens de ma famille: tante, oncle, cousins, des amis d’enfance que je n’ai pas vu depuis des années, des amis de la Réunion, de Paris n les gens de mon tanindrazana-village lointain là-bas et puis un bureaucrate qui dit à son voisin : c’est marrant mais hier au bureau personne n’a parlé de l’arrivée de Ravalo ni de venir ici et aujourd’hui, il y a la moitié de mon service qui est là.
Un véritable Ambohipihaonana
Hormis les cars venus des provinces, les gens étaient venus en bus, dans leurs voitures personnelles ou à pied. Très peu de cars avec numéros et banderoles comme on a l’habitude de voir quand un homme politique exilé revient (et oui c’est devenu une manifestation courante). Non, je peux vous assurer que lagrande majorité des gens qui était à Ivato ce samedi, n’étaient ni des militants payés, ni des manifestants habituels de Magro.
Les vrais « Zanak’i Dada » ceux qui fréquentent Magro depuis 3 ans n’en revenaient pas! Jamais semble-t-il même dans leurs espoirs les plus fous, ils ne pouvaient imaginer une telle affluence.
Ils sont tous venus spontanément, dans l’espoir que peut-être, il va se passer quelque chose et qu’enfin, on va pouvoir vivre normalement…
Il y avait une telle sincérité (une telle naïveté aussi..)une telle charge émotionnelle, que j’en vais les larmes aux yeux. Ainsi, il y avait tous ces gens-là dans l’ombre, qui ne disent rien, qui continuent à travailler, à serrer les dents, à ramener les enfants tous les matins à l’école. Cette vraie majorité silencieuse. Je me suis reconnue en eux, je me suis sentie comme une des leurs. C’est tellement rare dans la vie de quelqu’un.
Et j’ai oublié les maillots de bains dans le coffre de la voiture et je me suis assise avec eux et on a commencé à attendre.
Les nouvelles arrivent par bribes, vraies ou fausses: "Nisy notam indray hono" ( Notam – je ne sais toujours pas ce que ça veut dire- je sais vaguement comme la plupart des gens que cela veut dire qu’on interdit à Ravalomanana - pas la Bomba mais le Président -de revenir au pays mais à part ça… Je dois être inculte parce tout le monde à Tana sait ce qu’est un notam et c’est ma voisine de bout de trottoir, marchande de légumes de son état, qui me susurre que le notam est de nouveau en vigueur!
Mon Dieu, on rapporte la nouvelle à la voisine de l’autre côté (professeur de collège) et le marchand de koba (manifestant sincère et vrai commerçant – c’est tout à fait compatible!) se dépêche de partager la nouvelle et trop ému, donne 4 koba au lieu des 2 payés!
On lui court après pour lui rendre ces 2 koba (nous ici, nous somme des gens honnêtes…)
Pendant ce temps-là la foule continue de grossir. N’étant pas une spécialiste du comptage de la foule (autre grosse lacune à ma culture générale- mais en tout cas ce n’est pas à RFI ou chez les forces de l’ordre que je vais pouvoir m’instruire) je dirai plus d’une centaine de milliers de personnes sans compter tous ceux qui sont restés au bord de la route à Talatamaty ou Ambohibao.
Les vrais « Zanak’i Dada » ceux qui fréquentent Magro depuis 3 ans n’en revenaient pas! Jamais semble-t-il même dans leurs espoirs les plus fous, ils ne pouvaient imaginer une telle affluence.
Ils sont tous venus spontanément, dans l’espoir que peut-être, il va se passer quelque chose et qu’enfin, on va pouvoir vivre normalement…
Il y avait une telle sincérité (une telle naïveté aussi..)une telle charge émotionnelle, que j’en vais les larmes aux yeux. Ainsi, il y avait tous ces gens-là dans l’ombre, qui ne disent rien, qui continuent à travailler, à serrer les dents, à ramener les enfants tous les matins à l’école. Cette vraie majorité silencieuse. Je me suis reconnue en eux, je me suis sentie comme une des leurs. C’est tellement rare dans la vie de quelqu’un.
Et j’ai oublié les maillots de bains dans le coffre de la voiture et je me suis assise avec eux et on a commencé à attendre.
Les nouvelles arrivent par bribes, vraies ou fausses: "Nisy notam indray hono" ( Notam – je ne sais toujours pas ce que ça veut dire- je sais vaguement comme la plupart des gens que cela veut dire qu’on interdit à Ravalomanana - pas la Bomba mais le Président -de revenir au pays mais à part ça… Je dois être inculte parce tout le monde à Tana sait ce qu’est un notam et c’est ma voisine de bout de trottoir, marchande de légumes de son état, qui me susurre que le notam est de nouveau en vigueur!
Mon Dieu, on rapporte la nouvelle à la voisine de l’autre côté (professeur de collège) et le marchand de koba (manifestant sincère et vrai commerçant – c’est tout à fait compatible!) se dépêche de partager la nouvelle et trop ému, donne 4 koba au lieu des 2 payés!
On lui court après pour lui rendre ces 2 koba (nous ici, nous somme des gens honnêtes…)
Pendant ce temps-là la foule continue de grossir. N’étant pas une spécialiste du comptage de la foule (autre grosse lacune à ma culture générale- mais en tout cas ce n’est pas à RFI ou chez les forces de l’ordre que je vais pouvoir m’instruire) je dirai plus d’une centaine de milliers de personnes sans compter tous ceux qui sont restés au bord de la route à Talatamaty ou Ambohibao.
On essaie d’appeler la famille restée à la maison: des tas de nouvelles circulent, L’avion de Ravalomanana a dû rebrousser chemin, seuls les avions d’Air Mad peuvent atterrir etc.
Et alors, qu’est ce qu’on fait alors ? Il n’y avait pas de service d’ordre ! Pouvez-vous imaginer cela ? Pas un seul service d’ordre alors que l’on était des milliers et des milliers..! Et il n’y a eu ni casse, ni débordement. Un vazaha (journaliste ?) est passé devant nous, tranquillement! Tiens je croyais que Zanak’i Dada détestaient les vazaha!
Pas de débordement jusqu’à 17h30 quand on a entendu qu’il fallait rentrer car Il ne viendrait plus. Et puis la pluie commençait à tomber. Et cette foule qui a attendu toute la journée, déçue et dépitée qui décide de prendre le chemin de la maison…
Et c’est là que tout à coup, on a vu des gens courir dans tous les sens. Les « forces de l’ordre » attaquaient en balançant des gaz lacrymogènes!
On se met à l’abri en prenant un petit chemin qui va vers la rizière. Autour de nous, c’est la panique. Mais qu’a-ton fait de mal ? Je prends les dernières photos avant de partir et tout à coup je sens une chaleur dans mon dos et me voilà environnée de fumée, toussant, crachant, étouffant…un militaire-policier- force de l’ordre a balancé son gaz sur moi! Alors que je me trouvais loin du « front manifestant – force de l’ordre » et que je n’ai pas barré la route ni crié des mots vengeurs à l’égard des HAT ou autres.
Et aujourd’hui, Je vous hais messieurs les forces de l’ordre! Je vous hais tellement que vous ne me faîtes plus peur ! Ces hommes cagoulés habillés en noir qui courraient après les femmes, les enfants dans les petits chemins jusqu’aux rizières…que la honte soit sur vous …
Et ne me dites qu’ils ne font que leur travail! La belle excuse à toutes les dérives.
Quand on a pu reprendre la route, on avait dépassé des milliers des gens rentrant à pied, sous la pluie. La nuit commençant à tomber. On en embarqué deux femmes dont l’une était grand-mère. Elle rentrait à pied d’Ivato jusqu’à Anosizato (10 km environ) Le peu de bus qu’il y avait était pris d’assaut et puis de toutes façons, elles n’avaient pas de quoi payer le bus (300 ariary soit 1500 fmg soit 10 cts d’euros) .Elles avaient juste 300 ariary en poche avec lesquels elles avaient acheté un petit bol de « composé » qui a fait office de déjeuner! Bien sûr vous n’êtes pas obligé de me croire mais je peux vous assurer qu’il y avait des milliers de gens comme çà dans cette foule.
Ce soir chez moi, j’ai encore mal aux yeux et à la gorge. Bien fait pour moi! Pourquoi n’être pas restée tranquillement à la maison regardant la télé en critiquant allègrement ces crétins de Zanak’i Dada et en donnant des leçons à tour de bras! Je me défoule sans courir le risque de se retrouver dans une petite ruelle à Ivato pourchassés par des « policiers-militaires » cagoulés!
Et bien voyez-vous je ne regrette rien. Et à vous tous avec lequels j’ai partagé ces intenses moments de communion et d’amitié aujourd’hui je vous dis : si un jour ce pays arrive à s’en sortir c’est grâce à des gens comme vous. le « fitiavan-tanindrazana » a pris son vrai sens.
Et j’espère qu’un jour vous aurez les hommes politiques que vous méritez!
Et je comprends maintenant pourquoi les chefs des hommes cagoulés vous terrorisent.
Ils ont peur de vous ! Comment ne pas avoir peur de cette foule qui à tout moment peut sortir de l’ombre et qui porte en elle toutes les valeurs sacrées de ce pays ? Et tôt ou tard vous gagnerez, vous ne pouvez que gagner. Merci du fond de cœur de m’avoir réconciliée avec des mots comme fihavanana, soatoavina , sns
dimanche 22 janvier: J’écoute RFI qui commente ce qui s’est passé à Ivato hier en 2 phrases laconiques disant simplement que l’ex-président Ravalomanana n’a pas pu rentrer à Madagascar parce que son avion a dû rebrousser chemin faute d’autorisation. Pas un mot sur ces dizaines de milliers de personnes venus spontanément l’attendre et rien sur cette communion d’amitié et d’espoir.
Leurs valeurs à eux c’est la crise économique, le triple A, la société de consommation.
Mais ne vous inquiétez pas, eux aussi tôt ou tard ils vont s’apercevoir qu’ils se sont trompés.
Ny nenina hono tsy aloha hananatra fa aoriana handatsa.
Mais ne vous inquiétez pas, eux aussi tôt ou tard ils vont s’apercevoir qu’ils se sont trompés.
Ny nenina hono tsy aloha hananatra fa aoriana handatsa.
Masina ny tanindrazana
Rabejaona Nosy –
Iarivo 22 Janvier 2012
https://madagoravox.wordpress.com/
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